Pour ce nouvel épisode de « Cinq questions à… », WIIS France a le plaisir d’échanger avec Nina Wilén, chercheuse spécialiste de l’Afrique. Elle revient sur son parcours et encourage les femmes à se sentir aussi légitimes que les hommes dans leurs sujets de recherche.
Pouvez-vous revenir en quelques mots sur votre parcours académique et professionnel ?
J’ai voulu faire de la recherche en relations internationales depuis l’école secondaire (lycée). Après un Bachelor en Science Politique à l’Université de Lund et Queen’s University à Belfast, j’ai fait un Master en Sciences Politiques à l’Université de Lund, avec une spécialisation en paix et conflit. J’ai obtenu une bourse de doctorat, après quelques années en tant que stagiaire dans différentes organisations internationales aux États-Unis et en Belgique, à l’Université Libre de Bruxelles, où j’ai écrit une thèse sur les justifications liées aux interventions militaires.
J’ai ensuite effectué des recherches postdoctorales dans différentes institutions, notamment à l’École Royale Militaire à Bruxelles, où je me suis spécialisée sur l’institution militaire, en particulier le militaire belge. J’ai également travaillé à l’Université d’Anvers, à l’Université de Stellenbosch en Afrique de Sud, et à l’Université Libre de Bruxelles avant de commencer à l’Institut d’Egmont comme directrice du programme Afrique, en gardant un pied dans le milieu académique en tant que professeur associée à l’Université de Lund et Rédactrice en Chef pour la revue académique International Peacekeeping.
Quels sont les principaux obstacles auxquels vous avez été confrontée dans le monde de la recherche ?
Le monde académique est très compétitif et le travail de chercheur n’est, par définition, jamais terminé. Je pense que le principal sujet est de trouver un équilibre entre le travail et le temps libre pour ne pas ‘exploser’. Si, en plus de nombreuses demandes (explicites ou implicites) pour publier, produire, être visible, rechercher des financements, tu es passionnée par ton travail et peux travailler continuellement, il faut être très attentif à se mettre des limites, parce que personne ne va le faire pour toi. Aussi, avoir des attentes réalistes pour soi-même est important, autant que de collaborer avec des personnes brillantes et bienveillantes. J’ai de la chance d’avoir plusieurs collègues qui sont devenues des amies, avec lesquelles nous fonctionnons comme un réseau de soutien et d’appui, permettant de contrebalancer la dureté et la compétition du monde académique et des think-tank.
Pensez-vous avoir subi des discriminations en raison de votre genre, de votre âge… ?
Je pense que toutes les femmes ont subi des commentaires déplacés, voire sexistes à un moment donné dans leur vie, surtout si elles travaillent dans un environnement de travail majoritairement masculin. Ceci dit, même si j’ai travaillé plus de 10 ans avec des militaires, je n’ai subi que très peu – voire pratiquement aucun – comportement déplacé de la part de ces acteurs.
En revanche, la dé-légitimation de l’expérience et de l’expertise des femmes chercheurs/professeurs par rapport à leurs homologues masculins est encore présente dans le monde du travail. Un exemple très concret : dans les invitations à intervenir à des conférences ou des séminaires, on s’adresse aux femmes en tant que Miss ou « Mademoiselle », alors qu’elles ont des titres universitaires de Professeur, et leurs collègues masculins reçoivent les même invitations avec la mention ‘Professeur x ou y’. Ces comportements enlèvent l’identité professionnelle de la femme, et créent une inégalité vis-à-vis de leurs collègues masculins.
Selon vous, quel devrait être le rôle des femmes dans les interventions armées ?
Je ne pense pas que les femmes devraient avoir un rôle spécifique, mais je trouve que l’institution militaire en général devrait être compétente, efficace et adaptée aux menaces d’aujourd’hui. Pour se faire, il faut créer des institutions davantage multidimensionnelles, incluant de la diversité, notamment sur les identités des soldats et officiers. Si on veut inclure des personnes sous-représentées dans une institution, il faut adapter l’institution et les normes en vigueur, sans imposer de fardeau supplémentaire sur des personnes qui se battent déjà contre des stéréotypes et des préjugés.
Avez-vous des conseils à donner à une jeune femme qui souhaiterait se lancer dans le même parcours que vous ?
Faites ce qui vous passionne, la vie est trop courte pour travailler sur des sujets que l’on n’aime pas! Le chemin jusqu’à votre ‘travail de rêve’ ne doit pas toujours être rectiligne. On peut faire des détours et ainsi gagner en expérience, faire des rencontres inattendues sur le chemin, c’est tout à fait permis, et même assez chouette.
Vous pouvez retrouver le dernier article de Nina pour WIIS France, « Après la guerre, le contrecoup pour les femmes », ici !