« Le leadership des femmes dans la paix et la sécurité »

A l’approche de l’anniversaire des 20 ans du vote de la résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, le moment semblait opportun pour rassembler une variété d’actrices des secteurs public et privé, représentantes d’associations, et d’organisations non-gouvernementales autour d’une session de travail interactive sur le thème de la promotion du leadership des femmes dans les domaines de la paix, de la sécurité et de la défense.

L’Ambassade du Canada en France, WIIS Canada et WIIS France ont ainsi unis leurs efforts le 26 novembre 2019 afin d’étudier ensemble la manière dont les associations de femmes en France et au Canada peuvent faire avancer la cause des femmes de manière concertée, réfléchie et organisée.

Le rôle des associations dans la promotion du leadership des femmes dans les domaines de la paix et la sécurité

En signant la résolution 1325 le 31 octobre 2000, le Conseil de sécurité a reconnu les effets dévastateurs des conflits armés sur les femmes et les filles et ouvert la voie à la pleine protection et participation des femmes aux accords de paix. La résolution a également contribuer à changer l’image des femmes – de celle de victimes à celle de participantes œuvrant activement à la négociation, à la consolidation et au maintien de la paix. Cantonnée pour longtemps au rôle de « victime », les femmes ont été reconnues comme actrices du changement et de leur avenir.

En marquant le pas à un changement de paradigme, la résolution 1325 a également préconisé une approche globale pour contrer l’impact insidieux de la violence armée sur les femmes et par ce biais sur les sociétés en guerre. Elle a exhorté les États membres à assurer une plus grande représentation des femmes à la prise de décision dans les institutions et les mécanismes nationaux, régionaux et internationaux en vue de la prévention, de la gestion et du règlement des différends. Elle a demandé aux parties aux conflits armés de prendre des mesures spéciales pour protéger les femmes et les filles contre les actes de violence pendant les guerres et de leur donner la possibilité de participer aux processus de paix afin de trouver des solutions à long terme.

Étape majeure dans le droit international et les relations internationales, la prise en compte par les états de cette résolution demeure toutefois insuffisante. Les femmes et les filles continuent d’être victimes d’actes de violence pendant et après les conflits armés. Elles se voient exclues ou écartées des négociations de paix.

Et malgré le fait que la résolution invite les États membres à mettre en place des plans d’actions nationaux, ceux-ci souffrent d’un manque de mesures concrètes, d’une coordination pour leur implémentation et un financement pérenne.

De nombreuses associations sont engagées dans un travail de fond et d’analyse destiné à servir les politiques internationales et apporter aux états et aux organisations internationales, au moyen de leurs recherches de terrain et expériences. Grâce aux contributions respectives de nombreuses chercheures, diplomates, hautes fonctionnaires, représentantes et membres d’associations, des associations telles que Women In International Security sont des vecteurs d’expertise de taille. Elles sont également des plateformes de dialogue essentielles permettant aux femmes de différents milieux professionnels d’échanger meilleures pratiques et points de vue – des ressources essentielles pour faire avancer la qualité des politiques publiques. Au-delà d’atteindre une parité des sexes en termes de représentativité, la féminisation de la gouvernance est un enjeu démocratique, de qualité des services publics et d’équité.

Plus encore, la contribution des femmes au débat sécuritaire est indispensable : leur participation aux négociations de processus de paix est corrélée de manière positive à la signature et l’application des accords de paix. Par ailleurs, il faut souligner ici que, selon le rapport d’ONU Femmes France, ce ne sont pas tant les quotas imposés de femmes aux négociations qui permettent d’augmenter la probabilité de signature et d’application des accords de paix. « La différence se situe au niveau de l’influence que les femmes exercent sur un processus. En résumé, faire en sorte que la participation des femmes compte est plus important que le simple fait de compter le nombre de femmes engagées dans les processus de paix [1]. » Remettre les femmes au cœur des processus de médiation de conflit est donc en soi un enjeu de paix et de stabilité.

L’importance de renforcer la collaboration entre associations

Un climat géopolitique incertain, des agendas politiques rythmés par l’impératif électoral, une tendance à négliger les instances multilatérales sont autant d’éléments qui ont un impact certain sur les priorités données à des dossiers comme celui de l’Agenda femmes, paix et sécurité. Priorité un jour, question subsidiaire un autre, les agendas politiques évoluent de manière rapide – tandis que l’implication des associations demeure pérenne.

C’est bien pour cette raison que les associations de femmes ont tout leur rôle à jouer. Elles sont capables, par leurs réseaux et leur force fédératrice, de rappeler aux gouvernements leurs engagements et leurs promesses, faisant en sorte que les Plans d’Action Nationaux et les accords de paix soient respectés. Elles permettent également de créer des communautés de pratique et d’expertise transnationales qui promeuvent un dialogue et un partage des connaissances et expériences entre différents groupes de femmes à travers le monde. Ce réseau permet de renforcer l’importance et l’attention donnée aux des questions reliées à l’Agenda femmes, paix et sécurité, de même qu’au rôle et à la place des femmes dans les domaines de la paix, de la sécurité et de la défense.

Vers une mutualisation des efforts

Dans le cadre des meilleures pratiques permettant aux associations de peser de tout leur poids dans le débat public, l’atelier professionnel du 26 novembre a permis de mettre en lumière différents axes de développement prioritaires – au-delà de la question épineuse du financement, préoccupation majeure de toute association.

Le premier axe consiste pour les associations à mutualiser leurs efforts, mettre en commun leurs ressources (recherche, études de terrain, campagne de sensibilisation, atelier de formation, etc.), et créer des synergies entre réseaux et chapitres d’une même organisation. C’est en effet par un échange de bonnes pratiques et une fédération de nos efforts que nos actions pèseront.

Le deuxième axe repose sur une structure claire, un message défini, un réseau varié et des outils de communication efficaces. Le message, d’une importance cruciale, doit résonner à l’oreille des femmes mais également des hommes qui côtoient de près ou de loin les associations. Trop souvent absents du débat, les hommes jouent un rôle important dans la promotion et la diffusion du message porté par les associations de femmes et doivent donc être associés de manière étroite à leurs travaux. Toutefois, la difficulté réside aujourd’hui dans l’association des hommes au débat tout en sanctuarisant un espace où les femmes se sentent pleinement en confiance pour échanger entre elles.

La jeunesse et l’éducation sont également des clés. En effet, non seulement l’éducation joue un rôle essentiel dans la transmission d’un message de valeurs, de respect et de tolérance. Ce sera aux générations futures de porter haut et fort le message d’une gouvernance plus équitable, respectueuse du droit des femmes. Les rôles modèles auprès des jeunes dont les témoignages inspirants fédèrent autour d’une cause sont à cet effet particulièrement importants et utiles. Les associations de femmes ont ainsi tout intérêt à véhiculer leurs messages dans les instances dirigeantes mais aussi au plus près de la jeunesse.

En ce sens, WIIS Canada met l’accent, depuis sa création, sur le mentorat. La pierre angulaire du réseau canadien est un atelier annuel réunissant étudiantes, chercheures et professionnelles œuvrant dans le milieu de la sécurité et de la défense. L’événement met l’accent non seulement sur la promotion des travaux de recherche de jeunes chercheures, mais également sur le développement de compétences professionnelles et d’un réseau d’échange incluant des femmes à différentes étapes de leur carrière.

Cette activité permet à WIIS Canada de rejoindre la nouvelle génération de femmes intéressées par les questions de paix, sécurité et défense, tout en promouvant un réseau pancanadien fort.

D’autres opportunités existent aussi pour faire entendre nos voix. Les impulsions politiques ne manquent pas et c’est une chance de pouvoir profiter du dynamisme actuel en faveur de politiques plus diverses et inclusives. WIIS Canada a ainsi pu s’appuyer sur la mise en place d’un conseil consultatif pour l’égalité entre les femmes, initiative lancée par le Premier Ministre Trudeau, et WIIS France sur la grande cause du quinquennat d’Emmanuel Macron : l’égalité Femmes-Hommes. Un certain climat politique peut donc se révéler particulièrement utile aux associations. Les événements internationaux organisés dans le cadre des instances multilatérales, comme lors du G7 de Biarritz en 2019 ou à l’occasion du prochain forum Génération Egalité en juillet 2020 doivent servir de caisse de résonance à la cause des femmes.

Perspectives

Plus que de centrer le débat sur les femmes elles-mêmes, l’atelier WIIS France et WIIS Canada a mis en lumière la valeur ajoutée pour toutes les associations de femmes de mutualiser leurs efforts. Couplée à une expertise de terrain, d’échanges de bonnes pratiques et de dialogue, cette mutualisation est la condition essentielle pour générer un changement profond des mentalités et obtenir une « force de frappe » de poids dans les arènes nationales et internationales.

La participation accrue des Femmes aux grands débats politiques et de sécurité, leur présence dans les instances multilatérales, est un enjeu de taille – il en va de la qualité et de l’équité de nos politiques publiques.

Dr. Gaëlle Rivard Piche, Fellow, NPSIA Carleton University, Vice-Présidente, WIIS Canada
Jessica Pennetier, Secrétaire Générale, WIIS France

[1] Faire que les femmes comptent – ne pas simplement les compter : Evaluation de l’inclusion et de l’influence des femmes dans les négociations de paix | Rapport p.5

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