Blogpost #4 Portrait d’Elena Lysak

WIIS France a eu le plaisir de s’entretenir avec Elena Lysak, doctorante à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales à Paris. Ses recherches portent sur les questions liées à la place des femmes dans la société contemporaine. Formée en relations publiques, elle a travaillé pendant plusieurs années en tant que journaliste, et enseigné à l’université. Son intérêt pour le sujet des rôles sociaux des sexes, l’a poussé à réaliser un Master en sociologie et deux études scientifiques. La première sur l’égalité professionnelle des genres dans l’armée russe, et la deuxième sur le phénomène socio-professionnel des épouses de militaires en France. Elena est l’auteure d’une étude sur a réalisation professionnelle des conjointes de militaires en France et en Russie.

1. Qu’est ce qui a déclenché votre intérêt pour les questions de genre et de sociologie militaire ?

Mon intérêt spécifique pour l’armée résulte de mon histoire familiale. Ayant grandi dans une famille de militaires, j’ai vécu plusieurs déménagements avec mes parents. Et je me suis toujours demandée comment ma mère arrivait à garder son activité professionnelle dans les conditions de vie imposées par le métier de mon père. Couturière diplômée elle a travaillé pendant longtemps comme directrice d’une maison de couture. Mais à la suite des mutations, elle a dû abandonner son domaine professionnel initial afin de rejoindre l’armée, elle aussi.

Parallèlement, en regardant la carrière de mon père, je me suis demandée quel rôle avait joué sa famille, et notamment son épouse, dans ce processus. Aujourd’hui retraité, il a eu un parcours professionnel remarquable : après avoir commandé d’un régiment, il a fait une thèse de doctorat pour pouvoir enseigner les sciences militaires. Cet homme a consacré à l’armée plus de 45 ans de sa vie, il a formé quelques générations d’officiers, il est aussi auteur de plusieurs ouvrages académiques. Aurait-t-il été possible d’avoir une carrière aussi brillante sans la contribution et l’engagement personnel des membres de sa famille ? Et si on parle des femmes de militaires, s’agit-il du sacrifice individuel des conjointes, ou est-ce un effet des rôles sociaux de sexe qui forcent la femme de s’impliquer plus dans la carrière de l’homme qu’inversement ? Ces éléments expliquent mon intérêt pour les rapports entre conjoints dans ce domaine unique qu’est l’Armée.

2. Pouvez-vous nous parler de vos travaux de recherches ?

Mes recherches portent sur les conjointes de militaires mais en réalité la problématique est beaucoup plus large et profonde. De fait, la participation des conjointes à la vie professionnelle des maris affecte sérieusement l’organisation interne de l’armée. Je peux même dire que les épouses contribuent à la formation des grandes tendances de l’institution telles comme la politique de recrutement, de rémunération, etc. Par exemple, les sondages menés en France dans les années 1980 montrent que c’étaient les épouses du personnel qui s’opposaient fortement à la féminisation de l’armée. Elles ont évoqué entre autres l’argument de la menace potentielle du personnel féminin pour la stabilité de leurs familles et pour la fidélité conjugale. On voit ainsi que l’influence des épouses de militaires est loin d’être enfermée au sein de la cellule familiale : elle peut orienter les stratégies internes de l’armée.

Je pense que mener cette étude contribuera à trouver les sources pour lutter contre l’inégalité professionnelle et sociale des genres dans la société contemporaine.

3. Avez-vous été inspirée, par des femmes ou des hommes, dans les choix qui ont guidé votre parcours professionnel ? Quels ont été leurs enseignements ?

Faire de la science demande une certaine curiosité et j’ai été très influencée par ma mère. Personne très active, cette femme m’a toujours inspirée par sa capacité à découvrir de nouvelles choses, à être curieuse et étonnée par le monde. J’ai admiré le fait qu’elle ait toujours vécu son expérience dans l’armée comme positive et passionnante même si c’était un changement radical par rapport à son métier initial.

Je mentionnerais aussi une femme vraiment courageuse surtout pour son époque – Olympe de Gouges. Cette femme de lettres française, devenue femme politique, est considérée comme une des pionnières du féminisme et un emblème des mouvements pour la libération des femmes. Au XVIIIème siècle Olympe de Gouges a écrit la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, dans laquelle elle affirmait l’égalité des droits civils et politiques des deux sexes. En raison de son engagement politique, elle a été guillotinée à l’âge de 45 ans. Selon les historiens, elle s’écrie devant la guillotine : « Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort! ». Pour moi c’est un vrai courage. Cette audace peut nous inspirer aujourd’hui à l’époque où on proclame la liberté et la démocratie.

4. Parlez-nous de « Madame Success », site que vous avez créé avec des collègues, et qui cherche à briser le « plafond de verre » actuel.

« Madame Success » est un projet qui est né en 2017 et dont le but est de répondre à la question suivante : Quel est le succès au féminin dans le monde contemporain ? Et d’ailleurs, pouvons-nous séparer la réussite des femmes de celle des hommes ? C’est une vraie question qu’on s’est posé au début, et dont la réponse est loin être simple. Les histoires des femmes que nous racontons sont très diverses mais c’est à travers ces parcours incroyables qu’on peut trouver les tendances qui les unifient. Ces fameuses clés de la réussite que tout le monde aspire à obtenir !

J’exagère un peu mais les femmes que nous avons interrogées dans les différents pays du monde témoignent souvent des choses très communes. J’ai été bluffée par exemple par le fait que l’audace a été classée par toutes les interviewées comme qualité principale de leur caractère. Et je vous invite vivement à les lire, elles sont toutes extraordinaires !

Mais j’estime que la chose la plus importante c’est qu’à travers « Madame Success » les lecteurs peuvent trouver leurs propres moyens de réussir. Inspirées par des exemples de nos héroïnes les femmes peuvent devenir plus courageuses, plus audacieuses, et plus ambitieuses aussi ! C’est ça qui est vraiment précieux !

5. Quels conseils donneriez-vous à des jeunes femmes désireuses de s’engager dans la réalisation d’une thèse de Doctorat ?

En tant que femme engagée dans la recherche scientifique je n’ai jamais remarqué de spécificités liées aux genres des chercheurs, tout du moins dans domaine des sciences humaines et sociales que je connais le mieux. Ainsi Je dirais à tous les hommes et les femmes : si vous voulez étudier le monde – allez-y ! Plongez dans cet univers, lancez-vous dans cette aventure car c’est vraiment passionnant de pouvoir découvrir de nouvelles choses. Les sciences permettent de comprendre la société qui nous entoure mais en plus de ça elles donnent la possibilité de mieux nous comprendre! Chacun est capable de contribuer aux changements globaux dans le monde entier. En fait c’est cette puissance incroyable de la science qui vous motivera à mener des recherches académiques.

#communauté #équipe

« Le leadership des femmes dans la paix et la sécurité »

A l’approche de l’anniversaire des 20 ans du vote de la résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, le moment semblait opportun pour rassembler une variété d’actrices des secteurs public et privé, représentantes d’associations, et d’organisations non-gouvernementales autour d’une session de travail interactive sur le thème de la promotion du leadership des femmes dans les domaines de la paix, de la sécurité et de la défense.

L’Ambassade du Canada en France, WIIS Canada et WIIS France ont ainsi unis leurs efforts le 26 novembre 2019 afin d’étudier ensemble la manière dont les associations de femmes en France et au Canada peuvent faire avancer la cause des femmes de manière concertée, réfléchie et organisée.

Le rôle des associations dans la promotion du leadership des femmes dans les domaines de la paix et la sécurité

En signant la résolution 1325 le 31 octobre 2000, le Conseil de sécurité a reconnu les effets dévastateurs des conflits armés sur les femmes et les filles et ouvert la voie à la pleine protection et participation des femmes aux accords de paix. La résolution a également contribuer à changer l’image des femmes – de celle de victimes à celle de participantes œuvrant activement à la négociation, à la consolidation et au maintien de la paix. Cantonnée pour longtemps au rôle de « victime », les femmes ont été reconnues comme actrices du changement et de leur avenir.

En marquant le pas à un changement de paradigme, la résolution 1325 a également préconisé une approche globale pour contrer l’impact insidieux de la violence armée sur les femmes et par ce biais sur les sociétés en guerre. Elle a exhorté les États membres à assurer une plus grande représentation des femmes à la prise de décision dans les institutions et les mécanismes nationaux, régionaux et internationaux en vue de la prévention, de la gestion et du règlement des différends. Elle a demandé aux parties aux conflits armés de prendre des mesures spéciales pour protéger les femmes et les filles contre les actes de violence pendant les guerres et de leur donner la possibilité de participer aux processus de paix afin de trouver des solutions à long terme.

Étape majeure dans le droit international et les relations internationales, la prise en compte par les états de cette résolution demeure toutefois insuffisante. Les femmes et les filles continuent d’être victimes d’actes de violence pendant et après les conflits armés. Elles se voient exclues ou écartées des négociations de paix.

Et malgré le fait que la résolution invite les États membres à mettre en place des plans d’actions nationaux, ceux-ci souffrent d’un manque de mesures concrètes, d’une coordination pour leur implémentation et un financement pérenne.

De nombreuses associations sont engagées dans un travail de fond et d’analyse destiné à servir les politiques internationales et apporter aux états et aux organisations internationales, au moyen de leurs recherches de terrain et expériences. Grâce aux contributions respectives de nombreuses chercheures, diplomates, hautes fonctionnaires, représentantes et membres d’associations, des associations telles que Women In International Security sont des vecteurs d’expertise de taille. Elles sont également des plateformes de dialogue essentielles permettant aux femmes de différents milieux professionnels d’échanger meilleures pratiques et points de vue – des ressources essentielles pour faire avancer la qualité des politiques publiques. Au-delà d’atteindre une parité des sexes en termes de représentativité, la féminisation de la gouvernance est un enjeu démocratique, de qualité des services publics et d’équité.

Plus encore, la contribution des femmes au débat sécuritaire est indispensable : leur participation aux négociations de processus de paix est corrélée de manière positive à la signature et l’application des accords de paix. Par ailleurs, il faut souligner ici que, selon le rapport d’ONU Femmes France, ce ne sont pas tant les quotas imposés de femmes aux négociations qui permettent d’augmenter la probabilité de signature et d’application des accords de paix. « La différence se situe au niveau de l’influence que les femmes exercent sur un processus. En résumé, faire en sorte que la participation des femmes compte est plus important que le simple fait de compter le nombre de femmes engagées dans les processus de paix [1]. » Remettre les femmes au cœur des processus de médiation de conflit est donc en soi un enjeu de paix et de stabilité.

L’importance de renforcer la collaboration entre associations

Un climat géopolitique incertain, des agendas politiques rythmés par l’impératif électoral, une tendance à négliger les instances multilatérales sont autant d’éléments qui ont un impact certain sur les priorités données à des dossiers comme celui de l’Agenda femmes, paix et sécurité. Priorité un jour, question subsidiaire un autre, les agendas politiques évoluent de manière rapide – tandis que l’implication des associations demeure pérenne.

C’est bien pour cette raison que les associations de femmes ont tout leur rôle à jouer. Elles sont capables, par leurs réseaux et leur force fédératrice, de rappeler aux gouvernements leurs engagements et leurs promesses, faisant en sorte que les Plans d’Action Nationaux et les accords de paix soient respectés. Elles permettent également de créer des communautés de pratique et d’expertise transnationales qui promeuvent un dialogue et un partage des connaissances et expériences entre différents groupes de femmes à travers le monde. Ce réseau permet de renforcer l’importance et l’attention donnée aux des questions reliées à l’Agenda femmes, paix et sécurité, de même qu’au rôle et à la place des femmes dans les domaines de la paix, de la sécurité et de la défense.

Vers une mutualisation des efforts

Dans le cadre des meilleures pratiques permettant aux associations de peser de tout leur poids dans le débat public, l’atelier professionnel du 26 novembre a permis de mettre en lumière différents axes de développement prioritaires – au-delà de la question épineuse du financement, préoccupation majeure de toute association.

Le premier axe consiste pour les associations à mutualiser leurs efforts, mettre en commun leurs ressources (recherche, études de terrain, campagne de sensibilisation, atelier de formation, etc.), et créer des synergies entre réseaux et chapitres d’une même organisation. C’est en effet par un échange de bonnes pratiques et une fédération de nos efforts que nos actions pèseront.

Le deuxième axe repose sur une structure claire, un message défini, un réseau varié et des outils de communication efficaces. Le message, d’une importance cruciale, doit résonner à l’oreille des femmes mais également des hommes qui côtoient de près ou de loin les associations. Trop souvent absents du débat, les hommes jouent un rôle important dans la promotion et la diffusion du message porté par les associations de femmes et doivent donc être associés de manière étroite à leurs travaux. Toutefois, la difficulté réside aujourd’hui dans l’association des hommes au débat tout en sanctuarisant un espace où les femmes se sentent pleinement en confiance pour échanger entre elles.

La jeunesse et l’éducation sont également des clés. En effet, non seulement l’éducation joue un rôle essentiel dans la transmission d’un message de valeurs, de respect et de tolérance. Ce sera aux générations futures de porter haut et fort le message d’une gouvernance plus équitable, respectueuse du droit des femmes. Les rôles modèles auprès des jeunes dont les témoignages inspirants fédèrent autour d’une cause sont à cet effet particulièrement importants et utiles. Les associations de femmes ont ainsi tout intérêt à véhiculer leurs messages dans les instances dirigeantes mais aussi au plus près de la jeunesse.

En ce sens, WIIS Canada met l’accent, depuis sa création, sur le mentorat. La pierre angulaire du réseau canadien est un atelier annuel réunissant étudiantes, chercheures et professionnelles œuvrant dans le milieu de la sécurité et de la défense. L’événement met l’accent non seulement sur la promotion des travaux de recherche de jeunes chercheures, mais également sur le développement de compétences professionnelles et d’un réseau d’échange incluant des femmes à différentes étapes de leur carrière.

Cette activité permet à WIIS Canada de rejoindre la nouvelle génération de femmes intéressées par les questions de paix, sécurité et défense, tout en promouvant un réseau pancanadien fort.

D’autres opportunités existent aussi pour faire entendre nos voix. Les impulsions politiques ne manquent pas et c’est une chance de pouvoir profiter du dynamisme actuel en faveur de politiques plus diverses et inclusives. WIIS Canada a ainsi pu s’appuyer sur la mise en place d’un conseil consultatif pour l’égalité entre les femmes, initiative lancée par le Premier Ministre Trudeau, et WIIS France sur la grande cause du quinquennat d’Emmanuel Macron : l’égalité Femmes-Hommes. Un certain climat politique peut donc se révéler particulièrement utile aux associations. Les événements internationaux organisés dans le cadre des instances multilatérales, comme lors du G7 de Biarritz en 2019 ou à l’occasion du prochain forum Génération Egalité en juillet 2020 doivent servir de caisse de résonance à la cause des femmes.

Perspectives

Plus que de centrer le débat sur les femmes elles-mêmes, l’atelier WIIS France et WIIS Canada a mis en lumière la valeur ajoutée pour toutes les associations de femmes de mutualiser leurs efforts. Couplée à une expertise de terrain, d’échanges de bonnes pratiques et de dialogue, cette mutualisation est la condition essentielle pour générer un changement profond des mentalités et obtenir une « force de frappe » de poids dans les arènes nationales et internationales.

La participation accrue des Femmes aux grands débats politiques et de sécurité, leur présence dans les instances multilatérales, est un enjeu de taille – il en va de la qualité et de l’équité de nos politiques publiques.

Dr. Gaëlle Rivard Piche, Fellow, NPSIA Carleton University, Vice-Présidente, WIIS Canada
Jessica Pennetier, Secrétaire Générale, WIIS France

[1] Faire que les femmes comptent – ne pas simplement les compter : Evaluation de l’inclusion et de l’influence des femmes dans les négociations de paix | Rapport p.5

Blogpost #3 – Portrait de Brenda Lucki, Commissaire de la Gendarmerie Royale du Canada

WIIS France a eu l’immense honneur d’interviewer la Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, Mme Brenda Lucki le 3 octobre dernier, à l’occasion de sa visite officielle en France.

1. Qu’est ce qui a déclenché chez vous l’ambition de vous engager dans la Gendarmerie Royale du Canada (GRC)?
Je suis entrée à la GRC parce que je voulais changer les choses et servir le public. La GRC est une organisation emblématique à l’histoire riche et fière et c’est ce qui m’a attirée. Un de mes objectifs premier était de travailler un peu partout au pays. Ce travail m’a permis de voyager, de parcourir diverses régions du Canada et même du monde. C’est une chance incroyable.
La GRC présente tout un éventail de possibilités de carrière et je suis ravie d’avoir pu en connaître plusieurs. J’ai eu la chance de travailler aux services généraux, aux services de la circulation, aux opérations d’infiltration, aux missions de paix internationales et comme instructrice à l’École nationale; et aujourd’hui, je suis la commissaire!

2. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre rôle ? Quelles sont vos missions au quotidien ?
En tant que commissaire, j’ai le mandat d’assurer la sécurité des Canadiens. Mon travail consiste à faire en sorte que tous les secteurs de la GRC fonctionnent de façon harmonieuse et efficace – au niveau fédéral, provincial et municipal. En outre, je suis chargée de moderniser l’organisation de la GRC et pour ce faire, nous avons mis en place un plan de transformation pluriannuel. Nous l’appelons Vision150, pour souligner le 150e anniversaire de la GRC en 2023. Nous adoptons de nouvelles technologies et de nouvelles politiques et nous améliorons nos services. Il s’agit de faire de la GRC une organisation souple et respectueuse, reconnue dans le monde entier pour son excellence policière.

3. Avez-vous été inspirée, par des femmes ou des hommes, dans les choix qui ont guidé votre parcours professionnel ? Quels ont été leurs enseignements éventuels ?
Ma plus grande source d’inspiration, ce sont les premières femmes qui sont entrées à la GRC. Elles sont issues de la troupe 17, diplômée de l’École de la GRC en 1974. Sans leur courage et leur détermination, je ne serais pas ici aujourd’hui. Une des femmes au sein de cette troupe est Bev Busson, une amie chère et mentor pour moi. Elle est une véritable pionnière pour avoir été la première femme commissaire intérimaire en 2006. Aujourd’hui encore, Bev milite avec détermination pour promouvoir la situation des femmes au sein de la GRC. C’est grâce à elle que j’ai appris à persévérer devant l’adversité.

4. A votre avis, pourquoi la Gendarmerie (dans la majorité des pays) peine à se féminiser ?
Je pense que les corps de la Police et de la Gendarmerie peinent à recruter des femmes parce qu’il s’agit d’un secteur traditionnellement masculin. Par ailleurs, les femmes ne se reconnaissent pas nécessairement dans les métiers de la Police. A mon avis, c’est en favorisant la promotion de modèles féminins que nous pouvons montrer aux autres femmes qu’une carrière dans la police est viable et satisfaisante. Nous devons également faire en sorte que nos organisations soient inclusives et souples pour répondre aux besoins de chacun et de chacune, peu importe le sexe et le genre. À la GRC, nous avons opéré de vastes changements pour être inclusifs. Par exemple, nous avons remanié notre processus d’avancement, le code relatif à la tenue vestimentaire et nous révisons actuellement notre politique sur les armes à feu.
Dans les opérations de maintien de la paix (OMP), les femmes offrent une perspective précieuse et peuvent aider à rétablir les liens de confiance avec les collectivités, surtout auprès des femmes vulnérables. Les femmes sont également mieux équipées pour exercer certaines tâches de sécurité, notamment : la fouille de femmes, l’escorte de victimes et de témoins de violence sexuelle, le désarmement et le processus de filtrage pour la réintégration des femmes. Dans l’ensemble, les femmes disposent d’un éventail de compétences précieuses et peuvent apporter une aide précieuse lorsqu’il s’agit d’établir des liens étroits avec la collectivité, au pays et à l’étranger.

5. Quels conseils donneriez-vous à des jeunes femmes désireuses de s’engager dans la Gendarmerie Royale du Canada ?
Aux jeunes femmes, je dirai : n’hésitez pas! Postulez! Il y a environ 30 ans, je me trouvais à votre place. J’ai reconnu mon intérêt, et j’ai décidé d’aborder une carrière policière à la GRC. Avec le recul, je suis très heureuse d’avoir franchi ce pas.
J’ai eu une carrière satisfaisante, remplie de possibilités et de défis stimulants.
Je suis la preuve vivante qu’avec de la détermination, tout est possible!
Je dis toujours à mes employés : une seule personne peut changer les choses; chacun devrait se donner une chance. Travailler à la GRC est une façon extraordinaire d’améliorer les choses… alors, qu’attendez-vous?

Blogpost #2 -Portrait d’Alice Lane

Dans sa série de portraits de femmes aux parcours inspirants, WIIS France vous propose de découvrir Alice Lane, diplômée de l’université Queen Mary of London, actuellement en stage de fin d’études chez Cap Digital.

Alice Lane est diplômée de Queen Mary University of London, où elle a étudié les Relations Internationales et actuellement en stage de fin d’études chez Cap Digital. Son mémoire, « Armes Autonomes et Entreprises de Technologies Privées: Quelles sont les implications éthiques des entreprises de technologie privées partenaires de l’armée dans le développement d’armes autonomes? », sera prochainement publié par WIIS France. 

Nous l’avons rencontrée pour lui poser quelques questions sur son parcours.

Comment décrirais-tu ton parcours en quelques mots ?

Après une année sabbatique à 19 ans qui m’a permis de découvrir l’Asie du Sud-Est, j’ai commencé mes études en Philosophie et Français à l’Université de Liverpool. J’ai ensuite eu l’opportunité de travailler au sein des Nations Unies à Bruxelles durant un an avant de me lancer dans un master en Relations Internationales sur le Campus de Paris de Queen Mary University of London.

Qu’est ce qui a déclenché en toi un intérêt pour les questions éthique, notamment liées à l’armement ?

Un projet bénévole en Afrique du Sud à 17 ans m’a permis de me confronter aux grandes questions d’injustice et me suscita l’envie de comprendre et de mettre des mots sur ces grandes problématiques. Au cours de mon Master j’ai suivi un cours de sécurité internationale, où on traitait des sujets assez nouveaux pour moi comme la cyber sécurité, le Big Data et le fait de déléguer les actes de guerre à l’intelligence artificielle. Alors que je me passionnai pour ces thématiques, une amie a publié le livre Intelligence Artificielle, Pas Sans Elles, qui m’a fait réfléchir sur le lien éthique et intelligence artificielle. 

Quels sujets te passionnent le plus ?

Je suis intéressée par les problèmes de biais dans l’Intelligence Artificielle. On imagine souvent les algorithmes comme neutres, ce qui est dangereux car ils reproduisent les biais qui existent dans la société. Il est donc indispensable de pouvoir mettre en place des gardes fous dans le développement des systèmes équipés d’Intelligence Artificielle, et surtout ceux qui pourraient être utilisés pour les armes. Ce qui me passionne c’est chercher des réponses éthiques à des problèmes qui affectent les droits humaines.

En parallèle, mon expérience actuelle en Projets Européens chez Cap Digital me permet d’être au cœur d’un mouvement qui rassemble tous les acteurs de l’innovation dans la transition numérique et écologique. Il m’est ainsi donné d’étudier l’implication business des nouvelles technologies sur des secteurs comme la santé, les villes intelligentes et durables.

As-tu été inspirée, par des femmes ou des hommes, dans les choix qui ont guidé ton parcours ? Quels ont été leurs enseignements ?

La citation préférée de ma regrettée Professeure à l’Université de Liverpool, Kate Marsh, était « tout m’intéresse, tout m’étonne », de Montesquieu dans son livre Lettres Persanes. Sa passion pour la littérature et la Recherche étaient contagieux et son enthousiasme m’a inspirée à continuer à étudier des sujets qui me passionne. 

Mes professeurs de Queen Mary University, notamment Engin Isin et Elke Schwarz m’ont ouverts aux nouveaux concepts de la guerre, comme les implications éthiques, légales ou politiques de l’utilisation des nouvelles technologies y compris les technologies cyber / numériques, les technologies autonomes, l’intelligence artificielle, et les technologies d’interface homme-machine.

À ton avis, pourquoi l’environnement académique et professionnel dans lequel tu évolues reste-t-il trop peu féminisé ?

De mon expérience, en étudiant la Philosophie, le français et les Relations Internationales, la salle de classe est très féminisée. Par contre, cela ne se reflète pas sur le corps professoral qui comporte majoritairement des hommes. La principale chose que je note est que la société n’enseigne pas les filles à s’exprimer de la même manière que les hommes. Nous devons donc changer la façon dont nous traitons les filles dès leur plus jeune âge afin de changer la dynamique du monde universitaire.

Quels conseils donnerais-tu à des jeunes femmes désireuses de s’engager dans une voie similaire à la tienne ?

Je soulignerais l’importance du « networking » qui peut sembler effrayant, parfois trop formel. Mais cela signifie simplement rencontrer des personnes partageant les mêmes intérêts, mieux comprendre leur domaine, partager des expériences et surtout s’enrichir intellectuellement. De plus, en tant que jeune femme, il faut se persuader tous les jours que nous sommes les propres acteurs des changements de demain. Croire en soi, travailler, ne pas avoir peur de se tromper ou de donner un point de vue.

Blogpost #1 -Portrait d’Eline Chivot, Senior Policy Analyst | Center for Data Innovation, Bruxelles

Dans sa nouvelle série de portraits de femmes aux parcours

inspirants, WIIS France vous propose de découvrir Eline Chivot !


Nous avons le plaisir de lui poser quelques questions sur son parcours professionnel.

Eline Chivot est analyste en politique publique au Center for Data Innovation à Bruxelles un think tank au sein duquel elle conduit différents travaux de recherche sur les questions de politique technologique européenne et sur la manière dont les décideurs politiques peuvent promouvoir l’innovation numérique au sein de l’UE. Avant de rejoindre le Center for Data Innovation, Eline Chivot a travaillé pendant plusieurs années aux Pays-Bas en tant qu’analyste politique dans un important groupe de réflexion, The Hague Center for Strategic Studies (HCSS), notamment sur des questions de défense, de sécurité et de politique économique. Plus récemment, Eline a travaillé pour DIGITALEUROPE, l’une des plus grandes associations professionnelles de Bruxelles, où elle coordonnait les relations de l’association avec les représentants des industries du numérique en Europe. Eline est titulaire d’une maîtrise en sciences politiques et économiques de Sciences Po et d’une maîtrise en administration des affaires de l’Université de Lille.

1. Qu’est ce qui a déclenché pour vous un intérêt pour les questions d’innovation, de technologie et du digital ?
En travaillant à HCSS aux Pays-Bas, j’ai eu l’opportunité de développer des méthodes de recherche dites qualitatives—c’est-à-dire basées sur l’analyse traditionnelle de rapports existants—mais également et de plus en plus, des méthodes basées sur l’analyse d’un grand nombre de données. Nous commencions à faire appel à des programmeurs et scientifiques de données, afin de collecter des milliers de fichier texte avec des techniques dites de « scraping » en utilisant des scripts, et de générer leur analyse avec des visuels interactifs. En parallèle, parmi mes projets et travaux de recherche, j’avais publié des rapports sur l’impact de la technologie dans le domaine de la santé ou sur le marché du travail. J’avais donc saisi la nature et les enjeux transversaux de la technologie et de l’innovation, tant en termes d’applications en pratique qu’au niveau théorique, à un moment où l’on commençait à peine à parler du « big data » et à intégrer ces méthodes et sujets dans le milieu de la recherche en politique publique. Vu l’accélération qui a suivi, et l’intérêt grandissant dans le débat public pour ces problématiques, les postes les plus intéressants et les plus prometteurs allaient, de près ou de loin, faire partie du secteur de la « tech ». J’ai donc aussi pensé que cela ne pouvait être qu’une bonne idée de choisir une profession liée à ce domaine, pour me spécialiser, à un moment où je ne savais pas comment choisir ma prochaine étape. Mais cette forme de pragmatisme a très vite laissé place à une sorte d’addiction à un milieu extrêmement stimulant. De l’intelligence artificielle, des questions de protection des données, de vie privée, de l’avenir de nos réseaux sociaux, aux débats sociologiques, économiques, géopolitiques, philosophiques – il n’y a parfois qu’un pas. Les conversations sont sans fin, et on en apprend tous les jours. Ce lien puissant que tissent la technologie, le digital et l’innovation avec tout le reste, c’est passionnant. Je ne m’ennuierai jamais dans ce milieu. Difficile de… déconnecter !

2. Quels sujets traitez-vous en ce moment ? Quels sont ceux qui vous passionnent le plus ?
Cette année, j’ai travaillé sur la désinformation en ligne, notamment dans le contexte des élections européennes. Autour de la table, chacune des parties prenantes—décideurs politiques, plateformes en lignes, ONGs, usagers—tente de trouver une méthode équilibrée et efficace pour combattre un problème extrêmement complexe, aux solutions à double tranchant. Il est difficile de définir ce qui est un contenu dangereux en ligne, par exemple. Il est difficile d’attribuer une responsabilité entière aux gouvernements ou aux plateformes en ligne, notamment les réseaux sociaux.
J’ai également suivi l’évolution de l’implémentation du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), et son impact sur l’innovation en Europe, les enjeux liés au transfert des données entre pays, ou encore à la vie privée. Mais aussi, les politiques de la concurrence au niveau européen, où les arguments s’affrontent en permanence. Face à la montée de grosses entreprises de la tech, les dirigeants s’interrogent : nos règles en la matière sont-elles encore adaptées ? Comment s’assurer que ces entreprises, malgré leur taille, continuent à permettre à d’autres de se développer ? Par ailleurs, pourquoi n’arrive-t-on pas à développer de telles entreprises en Europe et donc accroître notre compétitivité face à la Chine ou aux Etats-Unis? Plus ou moins lié à ce débat de l’économie du numérique, le rejet de la fusion Alstom-Siemens par la Commission avait fait l’objet d’une vraie pomme de discorde.
J’ai même planché sur l’impact de l’intelligence artificielle sur la diplomatie et les affaires étrangères. J’ai donc la chance de traiter des thèmes assez variés ! Il est difficile de se former une opinion arrêtée sur tous les sujets, tant les arguments pour et contre paraissent légitimes.
Tout peut donc être passionnant si l’on est un peu curieux. Mais s’il faut choisir—l’un des prochains débats, voire l’une des prochaines batailles dans le milieu va concerner la régulation des outils de décision automatique, notamment les algorithmes. Dans quelle mesure doit-on ou peut-on réguler ? Où et comment positionner l’humain dans le processus de décision ? Quel type de choix donne-t-on à l’usager ? Les algorithmes donnent lieu à des services, produits et usages très diversifiés, et leurs décisions produisent un impact variable sur les individus. Par exemple, les enjeux sont assez différents entre la décision d’un médecin guidée ou assistée par un système d’IA, et la recommandation d’achat d’un article par un site internet qui utilise un algorithme. Les données fournies à ces systèmes sont également différentes. Les systèmes d’IA sont déjà très performants dans certains domaines, mais pas encore partout. Ce débat nous concerne tous, il touche à nos systèmes de valeur, à nos croyances, à notre vie quotidienne.

3. Avez-vous été inspirée, par des femmes ou des hommes, dans les choix qui ont guidé votre parcours professionnel ? Quels ont été leurs enseignements éventuels ?
J’ai pu trouver de vraies inspirations au cours de mes expériences professionnelles, parfois tous les jours, parfois à chaque rencontre. Actuellement, c’est dans le milieu où je suis, où le degré d’entraide relativement désintéressée entre professionnels ne cesse de me surprendre. Ce sont aussi et souvent les bribes de personnalités ou d’attitudes que j’aime garder en tête, des conseils impromptus, inattendus.
Si je devais être plus précise, cependant, j’ai deux exemples à l’esprit. D’une part, je pense à l’un de mes anciens collègues, qui avait justement développé des systèmes de data-mining pour les appliquer à la recherche. Il avait ce courage intellectuel d’entreprendre des projets un peu fous, dont beaucoup doutaient. Quelques années plus tard, on sait tous qu’on ne peut plus se passer des outils qu’il défendait. C’est en quelque sorte un visionnaire. Être entêté, ce peut être une caractéristique bénéfique, c’est peut-être même un don.
D’autre part, je pense à mon ancienne directrice. Je ne réalisais pas, lorsque j’étais à son contact, à quel point j’étais en train d’absorber en termes de connaissances et de leçons. Elle est détonante d’authenticité et d’énergie, et c’est un leader assez juste, qui donne l’impression de n’avoir peur de rien—et c’est comme cela que l’on trace sa route et que l’on entraîne l’enthousiasme des autres derrière soi. J’aurais sans doute encore plus appris en restant à ses côtés, sur les règles du jeu dans le milieu de la tech, par exemple. Mais l’expérience m’a donné « l’appétit » de me dire, au fond et même inconsciemment, pourquoi pas moi, maintenant—et de « prendre mon envol. » Je suppose qu’il faut qu’un prochain mentor m’apprenne la patience !

4. A votre avis, pourquoi le secteur de la technologie et de l’innovation peine à se féminiser ?
Malgré de réels progrès, il est vrai que certaines statistiques sont déprimantes : Les femmes ne représentent que 27% des employés chez Microsoft, 32% chez Apple, et 36% chez Facebook. Avec 47%, Netflix fait figure de « bon « élève » – mais il faut noter au passage que la part des femmes y occupant des « tech jobs » n’est que de 30%. Pourtant, le secteur du digital explose et recrute, mais a du mal à s’alimenter en talents. Je vois plusieurs raisons pouvant expliquer ce paradoxe. Tout d’abord, le manque d’information et d’orientation : les jeunes femmes ne se tournent pas vers les spécialisations en informatique, électronique ou robotique, parce que cet univers reste trop peu mis en avant dans l’éducation secondaire et que l’on n’a pas encore intégré suffisamment certaines disciplines comme la programmation informatique aux programmes scolaires. Quelques cours, quelques discussions entre professeurs, élèves et intervenants externes (par exemple, un(e) enseignant(e) en école d’ingénieurs, un(e) cadre d’entreprise de la tech, un(e) entrepreneur, un(e) dirigeant(s) de startup) pourraient démystifier ce qui semble inaccessible. Il y a sans doute ce réflexe d’éviter un certain environnement justement parce qu’il est jugé trop masculin. Il y a beaucoup d’idées reçues (des deux côtés sans doute), et de clichés à combattre en modifiant les représentations que l’on peut avoir de ces métiers. Je suis sûre qu’il existe déjà de telles initiatives. Il faudrait qu’elles soient généralisées, pour convaincre les femmes qu’elles ont leur place dans ce milieu.
Par ailleurs, il faut accepter que les solutions se trouvent (et se solidifieront) dans le temps long. L’accès des femmes à des postes à responsabilité managériale prendra des années, étant donné certains choix de vie qui jalonnent leur parcours et coïncident souvent avec des moments déterminants dans une carrière. Si l’on s’efforce à détecter leur potentiel plus tôt, et à développer celui-ci, cela pourrait les encourager à se diriger vers des postes cadres et favoriserait la présence de rôles modèles féminins pour d’autres.
Il faut que le changement s’opère dans cette industrie, pour qu’elle puisse promouvoir ces femmes qui apportent tant au monde de l’entreprise. Cela vaut également pour les autres segments de la population, afin de créer une vraie diversité au sein des équipes. Mais il ne faut pas sous-estimer non plus le progrès qu’entraîne le facteur « individu », c’est-à-dire, des avancées symboliques, une femme à la fois. Et il faut savoir s’en réjouir.

5. Quels conseils donneriez-vous à des jeunes femmes désireuses de s’engager dans votre domaine ?
Ce qui vaut pour chacun : ne pas limiter son champ des possibles, ne pas penser que l’on n’est « pas capable » et ne pas écouter ceux ou celles qui peuvent nous le faire croire. Faire son bonhomme de chemin en restant soi-même – pas seulement une femme, mais un individu. Les ambitions s’intègrent plus naturellement lorsque l’on n’en fait pas un étendard activiste.
Il ne faut pas faire de compromis sur le fait qu’on est une femme, cependant. Rester soi-même, cela veut aussi dire assumer son genre.
Mais allons au-delà du binaire, de l’opposition entre deux catégories du genre humain, dans nos têtes et dans nos faits et gestes. En évitant de ramener ses actions à sa « condition de femme » et en évitant de penser en permanence que les réactions ou les perceptions des autres sont dues à cette « condition », on agit de manière plus naturelle, et les autres nous verront plus facilement comme une personne à part en entière davantage qu’à travers notre genre. Bien sûr, en tant que femme on peut être invitée à des panels ou événements « pour le quota ». Mais mon premier réflexe n’est pas d’interpréter les choses de ce point de vue. J’évite de faire des procès d’intention ou de réagir de manière défensive. Mon second réflexe : je le vois comme une opportunité. Etant donné que les femmes « manquent », en être une peut procurer une visibilité en plus. Et pourquoi s’en priver, donc ?
Je respecte les positions que peuvent avoir d’autres femmes sur le sujet – en particulier celles qui ont été exposées à des situations de discriminations, et de graves épreuves. Au sein de la « bulle » politique bruxelloise, il n’est pas rare d’entendre des témoignages sur le sexisme ambiant. C’est une réalité brutale, voire une culture, ce que l’eurodéputée néerlandaise Marietje Schaake a récemment dénoncé dans The Guardian. Pour ma part, j’ai eu sans doute de la chance : J’ai vécu ma vie de jeune adulte dans un pays – les Pays-Bas – où je ne me suis jamais sentie traitée différemment des hommes ou en situation d’injustice, même en évoluant dans un milieu essentiellement masculin. Je me suis toujours sentie respectée et soutenue. J’ai par contre noté que ce qui manquait, c’était la sororité féminine. Malgré nous, parfois, on ne se soutient pas suffisamment entre femmes. Pire, on peut entrer dans une compétition contreproductive, et j’irais même jusqu’à dire destructrice.
Un autre conseil serait justement de créer et de saisir les opportunités. Même si ce n’est pas sa zone de confort, même si c’est intimidant. Un rapport publié en 2014 m’avait marquée : les hommes envoient leur candidature même s’ils ne satisfont que 60% des critères d’une offre d’emploi – 100% chez les femmes. Osons plus, invitons-nous autour de la table, la société s’habituera.
Il faut aussi s’entourer de bons « compagnons de route » ou de carrière, rejoindre des réseaux, tels que Women in International Security, mais au-delà, apprendre à réseauter et y investir un peu de temps.
Enfin, je crois vraiment que l’effort, le travail, l’assiduité, la persévérance – paient toujours. Devenir très bon dans son domaine force le respect. Mais il ne faut pas que cela soit avec pour objectif de « prendre la place des hommes », cela ne suffit pas et peut même être contreproductif : ce ne serait pas une démarche authentique, et le manque d’authenticité est quelque chose que les autres détectent très vite. Et puis, si on choisit un domaine en particulier, il vaut mieux le faire par intérêt, curiosité, pragmatisme voire passion – le travail n’en sera que moins difficile.

Avançons ensemble, allons plus loin

Retex des #Assisesparite, et zoom sur les réseaux féminins qui s’engagent pour une vraie modernisation de la fonction publique

Comment augmenter le pourcentage de femmes dans des domaines encore typiquement masculins, comme les comités de direction et exécutifs ? Plus de parité et de mixité dans les plus hautes instances de gouvernance des entreprises rappelle le défi de promouvoir les femmes dans la sécurité et la défense…Apprendre du secteur privé comment réduire des bastions encore largement réservées aux hommes ? WIIS France était invitée aux Assises de la Parité le 20 juin réunissant 900 participants, dirigeants d’entreprises et décideurs pour tendre attentivement l’oreille.

Au programme: témoignages de chefs d’entreprise sur leur expérience de la parité, présentation des résultats d’une étude co-réalisée avec KPMG sur la diversité et la mixité dans les conseils d’aministration tout comme dans les Comex et Codir des entreprises (la situation est loin d’être satisfaisante), et les interventions de Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations et de Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances (un retour en images de l’évènement peut être consulté ici). Les participants partaient avec des propositions d’actions concrètes, notamment un accompagnement personnel par des « marraines » du IWF France offrant de conseiller les entreprises qui seraient intéressées de faire avancer la parité.

Les assises étaient organisées par le réseau IWF France (International Women’s Forum France, fondé et présidé par Lucille Desjonquères), un réseau de femmes issues de tous les domaines de la société civile, économique et politique (chefs d’entreprise, leaders politiques, artistes, sportives de haut niveau). En France, la mission du IWF est la parité hommes-femmes dans les conseils d’administration et les comité exécutif/ de direction, et son impact sur la compétitivité des entreprises.

Et voici un argument de taille pour convaincre que ce sujet mérite de l’attention: les entreprises qui promeuvent la parité et la mixité en leur sein ont de bien meilleurs chiffres d’affaires que leurs compétiteurs qui restent « entre hommes ».

Cette preuve de la plus-value de la parité et de la mixité est plus compliqué à mener en ce qui concerne le secteur public, car plus difficilement chiffrable. Mais il paraît évident que produire de bonnes politiques publiques nécessite la représentation de la société toute entière parmi les équipes qui sont aux manettes. On en est encore loin, comme l’épingle tout récemment le courrier adressé à Madame Schiappa et Olivier Dusoppt (Secrétaire d’Etat Fonction Publique) par le réseau des associations féminins concernant le projet de loi de transformation de la fonction publique. Pourtant, la modernisation de d’administration et l’amélioration de la gouvernance publique passe obligatoirement par les femmes. Et par des dirigeants hommes et femmes qui prennent ce sujet à coeur.

Pour promouvoir mixité et parité, beaucoup peut et doit être fait pour augmenter l’offre, le pool des candidates à recruter et à solliciter pour des promotions – communiquer plus sur les opportunités de métiers/ de carrière vis-à-vis des filles et des femmes, les préparer aux défis de percer et de persévérer dans le monde du travail, développer des stratégies de resources humaines avec pour but d’attirer, d’accompagner et de garder des femmes, et surtout, encourager les hommes de devenir partenaires dans tous ces efforts.

« Autant je détestais les quotas quand j’étais jeune et jolie », … « autant j’y suis favorable aujourd’hui. Il faut, pendant un certain temps, qu’il y ait des places réservées aux femmes. » (Christine Lagarde, 31.05.2019, Challenges)

Côté demande, le cadre légal a un rôle important à jouer dans le but de favoriser le recrutement et la promotion de femmes. En France, deux outils coercitifs visent notamment la présence des femmes dans l’administration publique et dans les instances de gouvernance des entreprises en imposant des quotas, respectivement la Loi Sauvadet et la Loi Copé-Zimmermann.

Après plus de cinq ans en application, on voit certes des changements, mais qui restent pour leur part insuffisants. Côté secteur public, on se focalise sur les primo-nominations de 40 pour cent et néglige l’accompagnement des femmes tout au long de leur carrière. Et les ministères paient tout simplement des amendes en cas d’infraction, ce qui en 2017 était le cas pour le Ministère des Armées, Bercy, le Ministère de l’Intérieur et le Quai d’Orsay (les chiffres pour 2018 ne seront pas meilleurs).

Côté secteur privé, selon KPMG, à peu près 70 pour cent des emplois et 65 pour cent de la valeur ajouté échappent aux obligations de représentativité, car réalisés par des entreprises non-cotées en bourse. Ici, les femmes occupent entre 20% et 40 % de postes dans des conseils d’administration, et un peu plus de 20% dans les Codir/Codex. Pour les entreprises cotées, si les conseils d’administrations atteignent l’objectif des 40 pour cent (une augmentation de 14 % depuis 2013), les Codir/ Codex en sont encore loin (en moyenne 17%, une hausse de 5 % par rapport à 2013).

Ces instruments sont donc loin d’être parfaits : mais sans eux, avancerait-on? Il semble évident que seul un engagement multiforme entrepris dans la durée, fondé sur la bonne volonté des hommes et des femmes impliqués, le partage et l’évaluation des mesures prises puisse faire avancer les choses. WIIS France est heureuse de s’associer à ce combat.

#WIISFranceisborn 12.02.19

L’équipe de WIISFrance au grand complet – Le début d’une grande aventure ! De gauche à droite: Camille Trotoux (Déléguée Générale), Jessica Pennetier (Chargée de mission communication), Johanna Möhring (Présidente), Tara Varma (Secrétaire Générale) et Eléonore Charrié (Trésorière).

Evènement de lancement sous le haut « marrainage » de Madame la Ministre des Armées Florence Parly, sur invitation de Madame la Députée Delphine O: Nous sommes honorées et très reconnaissantes pour votre soutien!

Bonne ambiance et belles rencontres entre actrices et acteurs promouvant les femmes, non seulement en sécurité et défense – l’union fait la force!

Les femmes dans la sécurité et la défense : enjeu démocratique, enjeu stratégique

Women In International Security (WIIS) France est née en janvier 2019.  WIIS France, association loi de 1901 est un chapitre affilié du réseau mondial « Women In International Security » fondé en 1987 aux Etats-Unis. Il regroupe aujourd’hui plus de 7000 membres provenant de 46 pays, des femmes et des hommes qui s’engagent pour une présence accrue des femmes dans les champs de la sécurité et de la défense internationales.

Quel est l’intérêt de mettre l’accent sur une promotion de femmes en matière de sécurité et de défense ? L’enjeu est double : Il est d’ordre démocratique, car il s’agit tout simplement, et très difficilement, d’œuvrer pour la pleine participation des femmes à la vie publique en investissant symboliquement, et pratiquement le cœur du pouvoir étatique. L’enjeu est également d’ordre stratégique. Nos démocraties évoluent dans un environnement géopolitique extrêmement compétitif. Pour survivre, elles ont besoin de praticiens compétents analysant, formulant, exécutant et contrôlant les politiques de sécurité au sens large. Cette ressource, déjà rare, souffre d’un déficit féminin persistant.

Mary Beard, grande spécialiste des études classiques, nous rappelle que la « polis » grecque avait été conçue en excluant femmes et étrangers, en y bannissant toute participation, toute prise de parole féminine. Cette matrice de l’organisation politique et sociale, d’un domaine public exclusivement « masculin », reléguant les femmes à une sphère privée séparée nous a été transmise de génération en génération, et continue de nous formater. Pour celles et ceux qui en douteraient, la hargne dont font l’objet les femmes politiques, toute orientations politiques confondues, à l’hémicycle, et sur les réseaux sociaux est suffisamment explicite. Le fait que, paradoxalement, la nation soit souvent représentée par une figure féminine, sérieuse et armée à l’occasion n’y changerait rien.

Si on suppose que dans notre inconscient collectif, l’Etat reste masculin, son monopole de la violence (légitime) l’est d’autant plus. On peut donc s’imaginer que l’arrivée des femmes dans les domaines qui relèvent de la sécurité et de la défense constitue un bouleversement profond. Et de fait, l’acceptation que les femmes agissent en tant que responsables dans ces ressorts régaliens, ainsi que la reconnaissance de leurs capacités à gérer habilement les affaires de l’Etat n’est ni facile, ni tout à fait acquise.

L’enjeu de la promotion des femmes, autre que la légitimité démocratique, et la nature même du pouvoir est celui, primordial, de notre sécurité. Nous habitons un monde dans lequel compétition et coopération coexistent, ce qui demande à être saisi dans sa complexité. Ce sont les pays capables de penser stratégiquement, de combiner leurs ressources en stratégies de puissance cohérentes, et de les mettre en œuvre qui à l’avenir domineront. Au niveau national, un engagement permanent est nécessaire afin de garantir la résilience de nos sociétés et de nos institutions politiques. Sans un vivier large de spécialistes et professionnels dans les domaines les plus diverses ayant trait à la sécurité, nos démocraties sont affaiblies : une faille qui sera certainement perçue comme telle par nos adversaires.

Dans nos institutions politiques, dans la diplomatie, les forces armées et de l’ordre, le monde des universités et des « think tanks » scrutant le sujet de la sécurité, tout comme dans les industries de défense, les femmes sont une ressource sous-utilisée. Ce déficit se chiffre en pourcentage de participation brut. Il s’accentue encore si on mesure la partie des postes qui relèvent de la responsabilité décisionnelle.

Il nous faut affirmer la centralité de l’engagement pour les femmes, et pour la représentativité des perspectives et origines, afin de ne pas de se priver des capacités intellectuelles et physiques indispensables pour affronter des défis de sécurité d’aujourd’hui. Avec son réseau international et en concertation avec d’autres acteurs sur le terrain, WIIS France s’engage : la promotion de femmes dans la sécurité et la défense est l’affaire de tous. Rejoignez-nous !

11.12.18: WIIS France AG Constituante

On est heureuse d’annoncer que la création de Women In International Security (WIIS) France comme association Loi 1901 à but non lucratif prend son envol…

Hier, WIIS France a tenu son assemblée générale constituante. Johanna Möhring a été élue présidente ; Tara Varma est notre nouvelle secrétaire générale ; Eléonore Charrié prend la fonction de trésorière ; Camille Trotoux occupe le poste de déléguée générale. Félicitations à notre tout nouveau conseil d’administration !